Malgré une certaine complexité technique et réglementaire et des perspectives économiques qui mettent du temps à se dessiner, la filière s’organise et se structure. Pour le grand ouest cela correspond à une quarantaine de projets certifiés en 2014. Interview de Paul Cocault, conseiller énergie CERFRANCE Vendée.
Quelles sont les perspectives de développement sur le territoire Vendéen ?
Les perspectives de développement de projet sont variées et de nombreuses adaptations sont envisageables. Les typologies de projet se multiplient : projets individuels, projets collectifs avec ou sans partenaires, projets territoriaux.
Pour autant les conditions de réussite à réunir pour rentabiliser les investissements nécessite de procéder avec méthodes pour analyser vos atouts et mener votre projet jusqu’au bout.
Comment dimensionner un projet de méthanisation ?
Trois éléments majeurs déterminent le dimensionnement de l’installation de méthanisation :
– Le potentiel de gisement (interne / externe),
– La valorisation de la chaleur (interne/externe),
– La valorisation du digestat et/ou le traitement des effluents. Aucune exploitation ne dispose d’une situation optimisée pour chaque axe. Il faudra donc en travailler au moins deux, voire les trois, et se donner des priorités.
Le potentiel de gisement dépend du périmètre que l’on se donne (autonomie totale ou partielle). On établira la puissance de l’installation sur la capacité méthanogène de la période la plus basse, qui dépend de nombreux paramètres : nature et fraicheur de la matière, variation saisonnière en qualité et volume … La sécurité et la régularité d’approvisionnement sont donc des éléments essentiels. Le porteur de projet devra trouver un compromis entre « grossir » son installation pour rechercher des économies d’échelle, en incorporant une plus grande quantité de matières externes à l’exploitation, et limiter les apports extérieurs pour conserver une sécurité sur l’autonomie. La valorisation de la chaleur est primordiale aussi. Mieux elle est valorisée, plus le tarif de revente de l’électricité est élevé.
Cette obligation de valorisation n’est ce pas contraignant ?
Cette obligation de valorisation peut paraître contraignante, mais cela peut ouvrir des perspectives de nouvelle activité ou d’amélioration des coûts de production, par exemple en économisant de l’énergie (gaz, fuel) utilisée par un atelier de l’exploitation. La cohérence entre optimisation de la chaleur et puissance de la cogénération est primordiale pour fixer la puissance de l’installation de méthanisation. Par ailleurs, l’injection de biométhane, permet de s’exonérer de cette recherche de valorisation de chaleur, mais il faut alors se situer à proximité d’un réseau de transport de gaz.
Concernant la valorisation du digestat, si l’exploitation peut accueillir des matières externes, la méthanisation s’accompagnera d’entrée d’unités N, P, K peu coûteuses. A l’inverse, si le plan d’épandage est saturé, on peut envisager intégrer la méthanisation comme un moyen de traitement des effluents produits sur la ferme, qui facilite les exports. Cependant, cela peut complexifier le projet en introduisant des technologies complémentaires de traitement de matière (séchage, centrifugeage …).
Est-ce envisageable de monter un projet à plusieurs ?
Un projet à plusieurs (agriculteurs ou non, industriels …) permet d’accéder à priori à des économies d’échelle, et à une synergie des exploitations de base. Par contre, cela nécessite une animation de groupe, un partage des décisions, des risques, des résultats, des engagements …
A chacun son type de projet. Il faut aussi clarifier la place de son exploitation dans le projet de méthanisation : apporteur de matière et de surfaces d’épandage, ou porteur de projet avec investissement pour en retirer soi-même une valeur ajoutée. Dans le cas d’association avec un investisseur, il est essentiel de rester maître des conséquences de cette implication et du projet.
D’un point de vue réglementaire, quels sont les éléments à prendre en compte ?
Il est nécessaire d’appréhender assez rapidement les conséquences réglementaires (ICPE, juridique, fiscaux, sociaux, d’urbanisme,…). Plus la taille de l’installation est importante (>250 Kwe) plus les délais de traitement administratif s’allongent mais ce n’est pas le seul élément déterminant.
L’étape suivante concernera la détermination de la technologie (système d’introduction des matières, méthanisation sèche ou liquide, traitement ou non du digestat …) et de l’entreprise qui apporte la solution technique. Le travail de fond réalisé sur l’étape précédente permet d’aller rapidement à l’essentiel, le porteur de projet connaît la nature de sa matière, ses besoins en stockage et en réseau de chaleur… Le coût de l’investissement global est bien sûr important. Mais la fiabilité sur la durée, du constructeur et de sa technologie l’est plus encore.
Quelles questions doit on se poser par rapport au constructeur ?
Quelle garantie apporte-t-il pendant la conduite du chantier, et lors du suivi de production ? S’engage t-il sur un niveau de production minimal ? Quelle est sa réactivité en cas de panne de l’installation ? Quand tous les éléments techniques sont validés, il est important d’en faire la synthèse économique en intégrant les besoins de renouvellement ou de maintenance de matériels, les coûts de collecte des matières, les charges fiscales (selon la nature des activités), sociales (selon la situation des personnes associées) et financières.
Quelles sont les incidences sur l’exploitation agricole ?
Les incidences sur l’exploitation agricole devront être chiffrées pour avoir une vision consolidée de la méthanisation et de la vie de l’exploitation sur la durée du contrat (15 ans). Le temps de travail est parfois un élément limitant. Les besoins sont très variables entre les projets selon les technologies, l’optimisation du site, la collecte ou la réception de matières.
On analysera aussi le besoin de financement spécifique de la période transitoire (construction et montée en puissance de l’unité). Le business plan sur 15 ans a besoin d’être travaillé et optimisé avant d’être présenté aux financeurs. La coordination avec le constructeur, le dossier ICPE (méthanisation et élevage), le dossier de demande de subvention, le dossier de financement déposé auprès des banques, la création de société (si nécessaire), l’établissement du pacte d’actionnaire (le cas échéant), la rédaction des contrats d’apports de matière (sécuriser l’approvisionnement), ou de vente de chaleur (sécuriser cette recette) sont autant de points à maîtriser.
Quels derniers conseils donneriez-vous à un exploitant agricole intéressé par la méthanisation ?
Les démarches de réflexion et de décisions sont relativement longues. Envisager un projet de méthanisation nécessite donc de la motivation et du temps. L’implication et la curiosité des porteurs de projets facilitent l’appropriation de ce nouveau métier : méthaniseur. Cette première phase d’apprentissage sera complétée par la période de mise en service et de démarrage de l’unité. Enfin, une fois la mise en service réalisée, les porteurs de projet auront une période de prise en main de leur outil de travail. Il faut s’approprier l’ensemble des paramètres à surveiller.
L’acquisition de ce savoir-faire permet d’être autonome et d’optimiser son installation sur la durée.