Les bonnes nouvelles
Le marché du broutard vers l’Italie s’est étonnamment maintenu. Il faut dire que la période est plutôt calme en termes d’export.
Les producteurs peuvent arbitrer sur les dates de sortie de leurs animaux mais les possibilités sont limitées à quelques semaines et restent conditionnées à la disponibilité des fourrages dans les élevages qui est très tendue en cette fin de printemps.
Il faudra surveiller si le courant d’affaires à l’export se maintiendra en juillet quand les broutards sortiront en quantité.
La fermeture de la RHD (écoles, cantines d’entreprises, brasseries…) impacte en premier lieu les viandes d’importations, notamment les vaches laitières d’origine nord-européenne. La viande bovine d’origine française est ainsi moins affectée et demeure pour l’heure en première ligne dans les autres canaux de distribution.
Parmi les autres bonnes nouvelles, la dynamique de consommation de viande de boeuf est restée soutenue depuis le début de la crise (en préemballé). Serait-ce le signe qu’elle reste encore perçue comme un aliment de base et de première nécessité ?
Les démarches de la distribution pour une relation contractuelle avec les producteurs français ont permis de garantir les débouchés. La logique de fidélisation qui sous-tend ces contrats se poursuit malgré la crise.
Cependant…
Il reste le problème des morceaux nobles et des races de haute qualité bouchère qui étaient utilisés dans les restaurants et qui ont du mal à trouver preneur. La production à destination de la restauration hors domicile s’est reportée vers la consommation des ménages :
• la demande des consommateurs s’est renforcée sur la viande hachée pendant les quatre premières semaines de confinement, avec une croissance de 34% en haché frais et +66% en haché surgelé,
• la GMS a fortement diminué son rayon boucherie découpe. L’engouement vers le drive a difficilement permis de maintenir une offre de découpe en frais. Seuls les morceaux piécés sous vide ont progressé. Donc, la filière ne connaît pas de grosse question de volume à ce jour, mais la perspective de réouverture posera la question de la valeur. Pour les JB français, la situation reste sous tension, avec le ralentissement des marchés export et la fermeture de la RHD qui entraînent un report des ventes et du stockage sur pied dans les fermes.
Les perspectives pour le second semestre 2020
Dans la filière bovine, les initiatives de coordination et de mutualisation entre les différentes strates de la filière sont difficiles : chacun, à son propre niveau, essaie de « se débrouiller ». Les crises passent et la filière est toujours aussi peu structurante. Peu d’objectifs partagés. Seule l’activité broutard est quelque peu structurée dans la mesure où elle concerne un produit assez homogène. Pour les activités d’engraissement et les races allaitantes de qualité bouchère, aucune offre homogène ne se dégage. Chacun à sa place essaie de saisir les opportunités (quand le marché est porteur) ou tente de limiter les dégâts lors des périodes de crises (cours des animaux, climat…). Dans ces conditions, quels sont les leviers d’action ?
La réduction de l’offre pour soutenir les prix ?
Les mesures de stockage privé mises en place par l’UE devraient permettre de limiter l’offre bovine dans les prochains mois et stopper la chute des cotations à court terme. Mais le déstockage, à venir, laisse présager une concurrence exacerbée entre les États. Afin de sécuriser ses volumes à l’export, un opérateur irlandais vient de signer un accord avec Lidl pour approvisionner les magasins de la chaîne dans plus de 17 pays européens.
La recherche de valeur ?
Aller plus vite et plus loin sur la contractualisation qui reste un outil vertueux de sécurisation des opérateurs (approvisionnement, prix…) et un outil structurant pour mieux répondre à la demande consommateurs. La recherche de valeur autour de la viande hachée et des produits élaborés doit être un levier à activer par la hausse des prix et une plus grande segmentation du produit.
L’offre étant hétérogène, que ce soit en matière première (animaux sur pied) ou sur la valorisation des différents muscles, il faudrait s’orienter vers des produits finis différenciés. Cela pose la question de la modernisation des outils de transformation (outils abattage et découpe) et de l’organisation des circuits de distribution, pour un engagement collectif vers une différenciation des muscles.
Nathalie VELAY Jacques MATHÉ – Veille économique agricole CERFRANCE