Le marché porcin vit une période tourmentée et paradoxale. Les prix restent supérieurs à ceux d’il y a un an grâce à une demande toujours tirée par le phénoménal appel d’air chinois. Malgré tout, la pandémie de la Covid-19 a bouleversé les marchés nationaux, conduisant à une baisse marquée des cotations européennes, et encore plus, nord-américaines.

Les bonnes nouvelles

Au mois d’avril 2020, le prix du porc payé au producteur est 8,2% supérieur à celui d’il y a un an. Sur l’année 2019, le prix moyen est en hausse de 25% comparé à 2018. Depuis le 2e semestre 2019, les résultats comptables des élevages sont très bons. L’année 2020 s’annonçait tout aussi prometteuse, n’eût été le coronavirus.

Cependant…

A l’échelle européenne, bien que l’offre ne soit pas surabondante, toutes les places de marché connaissent des baisses de cours importantes depuis la mi-mars.

• La demande intérieure est fortement perturbée par les mesures de confinement, en particulier la fermeture de la restauration hors domicile.

• À cela s’ajoute la difficulté pour les abattoirs de fonctionner avec des mesures de distanciation et une main-d’oeuvre réduite.

• Le marché du jambon est tendu, les congélateurs, notamment en Italie, étant pleins. Estimation des prix moyens payés éleveurs

Estimation des prix moyens payés éleveurs

Pourtant la Chine est toujours aux achats. Sur le premier trimestre 2020, ses importations de viande fraîche et congelée ont été multipliées par presque 2,8. L’Union Européenne reste son premier fournisseur devant les États-Unis et le Canada. Mais les difficultés respectives des uns et des autres lui permettent de faire jouer la concurrence pour accentuer la pression à la baisse.

Au niveau français, après avoir résisté au cours des premières semaines de confinement, le cours dévisse rapidement pour devenir, à partir de début mai, inférieur à son niveau de l’an dernier.

• Les dernières séances de vente au Marché du Porc Breton ont vu un nombre important de porcs rester sans enchère. Conformément au règlement du marché, les abatteurs se répartissent ces animaux mais la situation pèse dans les cotations suivantes.

• En France, comme en Espagne ou en Belgique, l’augmentation du poids des animaux à l’abattage traduit le manque de fluidité du marché.

Les États-Unis sont dans une situation particulièrement difficile. Courant avril, la multiplication des cas de coronavirus dans les abattoirs a contraint une vingtaine d’entre eux à fermer temporairement, privant les éleveurs de débouchés pour l’abattage de leurs animaux. Certains ont dû se résoudre à euthanasier des porcs charcutiers ou porcelets, et faire avorter des truies. Au final, une baisse d’activité d’environ 30% comparé à la même période de 2019 et un prix en chute, atteignant moins de 1 €/kg quand la moyenne de l’Union Européenne à 28 se situait autour de 1,70 €.

Les perspectives pour le second semestre 2020

Les perspectives du marché porcin à l’horizon de la fin 2020 sont suspendues à l’évolution de la pandémie dans le monde et à ses conséquences économiques et sociales. Outre la désorganisation du commerce, les récessions de grande ampleur annoncées partout sur la planète auront très probablement des conséquences sur la filière porcine comme sur toutes les filières viande, avec un impact d’autant plus important sur celle-ci qu’elle est fortement internationalisée.

La réduction de l’offre pour soutenir les prix ?

Le marché porcin subit actuellement une suite de réactions en chaînes à l’échelle européenne et mondiale. Le niveau important des investissements et le fonctionnement même de l’élevage porcin, par succession de bandes d’animaux dans des bâtiments spécialisés à intervalles de temps régulier, rend extrêmement difficile à court terme un ajustement de l’offre à la demande par les producteurs, à l’inverse de ce qui peut être réalisé dans d’autres productions.

La recherche de valeur ?

En production de porcs conventionnels, la recherche de valeur sur le produit passe par des contrats avec les autres acteurs de la filière qui permettent, outre de s’assurer de l’écoulement de sa production, d’espérer une certaine plus-value. Celle-ci reste cependant limitée et non déconnectée des cotations du porc standard.

Anne BRAS – Veille économique agricole CERFRANCE

Rédigé par notre Expert Cerfrance ✏️